4ème Instruction de la Très-Sainte Vierge Marie à Marie d'Agréda

Publié le par lepontdusalut

La Cité Mystique de Dieu

 

CHAPITRE XXII et quatrième instruction de la Vierge Marie.

 

Instruction que la bienheureuse Vierge Marie m'a donnée.

 

« Ma fille, je réponds très volontiers à vos doutes. Il est vrai que j’ai joui de la Grâce et de l’usage de la raison dès le premier instant de ma Conception, comme je vous l’ai déjà si souvent fait connaitre ; que j’ai passé par les sujétions communes à tous les enfants, et été élevée de la manière ordinaire. J’ai été, comme fille d’Adam, sujette à la faim, à la soif, au sommeil et aux autres peines corporelles, parce qu’il était juste que j’imitasse mon Très-Saint Fils, qui accepta ces privations et ces peines, pour en tirer des mérites, et que je servisse avec lui d’exemple aux autres mortels. Comme je me réglais par la Divine Grâce, j’usais de la nourriture et du sommeil avec la tempérance requise, et avec plus de sobriété que les autres, n’en prenant que ce qui était absolument nécessaire pour ma croissance, et pour la conservation de ma vie et de ma santé. Car l’excès en ces choses n’est pas seulement contraire à la vertu, mais il est aussi funeste à la nature, qu’il altère et ruine. J’étais plus sensible à la faim et à la soif que les autres enfants, à cause de mon parfait tempérament et de ma complexion délicate. C’est pourquoi le défaut de nourriture m’était plus nuisible ; mais si on ne me la donnait pas en son temps, je prenais patience jusqu’à ce que l’occasion se présentât de la demander par un signe convenable. Je me passais aussi plus facilement du sommeil à cause de la liberté que j’avais, dans ma petite solitude, de voir les anges et de m’entretenir avec eux des Mystères Divins.

 

Je ne ressentais aucune peine de me voir enveloppée, serrée et attachée dans mon maillot, mais, au contraire, une joie particulière, parce que je savais que le Verbe incarné devait souffrir la mort la plus honteuse et être ignominieusement garrotté. Lorsque j’étais seule à cet âge, je me mettais en forme de croix, priant en union avec mon Bien-Aimé Sauveur que je savais devoir mourir sur une croix, bien que j’ignorasse alors que le Divin Crucifié dût être mon Fils. Je souffris du reste toutes les incommodités qui m’arrivèrent durant ma vie entière, avec résignation et avec joie, parce que je fus toujours intérieurement pénétrée d’une attention, que je veux que vous gardiez avec une constante fidélité. Il faut par conséquent que vous ne manquiez jamais de peser dans votre cœur et dans votre entendement les Vérités infaillibles que je contemplais et que je méditais, afin que vous sachiez faire un juste discernement de toutes choses, et donner à chacune son véritable prix, en évitant ces méprises et ces erreurs dans lesquelles les enfants d’Adam tombent si souvent. Je ne veux point ma fille, que vous partagiez leur aveuglement.

 

A peine fus-je venue au monde, eu-je vu le jour, que je sentis les effets des éléments, les influences des planètes et des astres, et que je connus la terre qui me recevait, les aliments qui me nourrissaient, et toutes les autres causes de la vie. Je rendis des actions de grâces infinies à Celui qui en était l’Auteur, considérant ces Oeuvres comme un bienfait singulier qu’Il m’accordait, et non point comme une obligation qu’Il me dût. C’est pourquoi, s’il me manquait ensuite quelqu’une des choses dont j’avais besoin, loin de m’en troubler, je déclarais et avouais avec une joie sincère que l’on pratiquait à mon égard ce qui était raisonnable, parce que tout ce que l’on me donnait était par Grâce, sans mérite de ma part, et qu’il eût été parfaitement juste de m’en priver. Or sachez, ma fille, qu’en me tenant ce langage à moi-même, je reconnaissais une vérité que la raison humaine ne peut nier ni ignorer. Où est donc le jugement des hommes, lorsque manquant d’une chose qu’ils souhaitent avec trop de passion et qui leur est le plus souvent nuisible, ils s’attristent et s’emportent les uns contre les autres, s’irritant même contre Dieu, comme s’ils en recevaient quelque tort ? Qu’ils se demandent à eux-mêmes de quels trésors et de quelles richesses ils étaient en possession avant de recevoir la vie, quels services ils ont rendus au Créateur afin qu’Il la leur donnât ? Et si le néant ne pouvait produire que le néant, ni mériter l’être par lequel il a été tiré de ce même néant, quelle obligation de justice y a-t-il de lui conserver ce qui lui a été donné par Grâce ? Quand Dieu créa l’home, Il n’en recueillit aucun avantage ; mais Il fit à la créature un bienfait tel que celui de l’être, tel que celui de la fin pour laquelle on le lui donnait. Et si en recevant l’être l’homme a contracté une dette qu’il ne pourra jamais payer, qu’il dise le droit qu’il a maintenant, après l’avoir reçu, à titre purement gratuit, à exiger qu’il lui soit conservé, tandis qu’il s’en est si souvent rendu indigne. Quel engagement fera-t-il valoir, quelle caution présentera-t-il, afin que rien ne lui manque ?

 

Que si par le premier acte, par le premier bienfait de la création, il a contracté une dette qui l’a obligé si étroitement, comment ose-t-il demander avec impatience ce second acte ou ce bienfait de la conservation ? Et si malgré tout la Souveraine Bonté du Créateur lui fournit gratuitement le nécessaire, pourquoi se trouble-t-il lorsque le superflu lui manque ? O ma fille, quel désordre abominable et quel aveuglement odieux est celui des mortels ! Ils reçoivent ce que le Seigneur leur donne par une pure Grâce sans le reconnaitre et sans y répondre ; ils s’inquiètent de ce qu’Il leur refuse par Justice et bien souvent par une grande Miséricorde, et ils se le procurent même par des voies injustes et illicites, courant ainsi étourdiment au-devant du dommage qui les suit. Par le seul premier péché que l’homme commet, en perdant Dieu, il perd aussi l’amitié de toutes les créatures ; et, si le Seigneur ne les retenait, elles s’uniraient toutes pour venger son injure, et refuseraient à l’homme les influences et les secours par lesquels elles le conservent et lui assurent la vie. Le ciel le priverait de sa lumière et de ses émanations, le feu de sa chaleur ; l’air lui refuserait la respiration, et toutes les autres choses en feraient autant à leur manière, pour se conformer à la Loi de la Justice. Que l’homme donc, cet être vil et ingrat, s’humilie, et qu’il prenne garde de ne point thésauriser la colère du Seigneur pour ce jour inévitable des Grandes Assises et des comptes universels de l’humanité, alors que la terre refusera ses fruits, les éléments leur harmonie et leur concours, et que toutes les autres créatures s’armeront pour venger les injures qu’on aura faites au Créateur. Ce jour-là toutes les obligations paraitront si terribles !

 

Quant à vous ma chère fille, évitez une si noire ingratitude ; reconnaissez avec humilité que vous avez reçu l’être et la vie par Grâce, et que c’est aussi par Grâce que Celui qui en est l’Auteur vous la conserve ; que vous recevez gratuitement tous les autres bienfaits sans les avoir mérités, et que, recevant beaucoup et rendant toujours moins, vous devenez sans cesse plus indigne de ces bienfaits, tandis que la libéralité du Très-Haut s’augmente à votre égard, et que par conséquent vos obligations augmentent à l’égard du Seigneur. Je veux que vous vous pénétriez continuellement de ces idées, afin qu’elles vous animent et vous excitent à pratiquer toutes sortes d’actes de vertu. Si les créatures qui sont dépourvues de raison manquent de subvenir à vos besoins, je veux également que vous vous en réjouissiez dans le Seigneur, que vous Lui en rendiez grâces, et que vous les bénissiez de leur obéissance au Créateur. Si ce sont les raisonnables qui vous persécutent, aimes-les de tout votre cœur, les regardant comme les instruments qu’emploie la Justice Divine pour prendre une partie de ce que vous Lui devez. Et soyez persuadée que la Miséricorde infinie se sert bien souvent des afflictions, des adversités et des tribulations tant pour vous enflammer davantage de son Amour que pour vois consoler ensuite. Car outre que vous les avez méritées par vos péchés, elles deviennent l’ornement de votre âme, et comme des joyaux précieux dont votre Epoux vous enrichit.

 

Voilà la réponse à vos doutes. Maintenant je vais vous donner l’instruction que je vous ai promise à la fin de tous les chapitres. Considérez donc, ma fille, avec quelle ponctualité ma sainte mère Anne accomplit le précepte de la Loi du Seigneur, à qui cette exactitude fut très agréable. Vous la devez imiter en cela, en observant inviolablement tout ce que votre règle et vos constitutions vous ordonnent ; car Dieu récompense généreusement cette fidélité, tandis qu’Il se sent très offensé d’être servi avec négligence. Puisque j’avais été conçue sans péché, il n’était pas nécessaire que j’allasse trouver le prêtre pour que le Seigneur me purifiât ; ma mère n’était point non plus dans cette nécessité, parce qu’elle était très sainte et très pure. Nous obéîmes néanmoins avec humilité à la Loi, et par notre soumission nous méritâmes de grands accroissements de vertu et de grâce. Le mépris qu’on fait des lois justes et bien établies et la dispense que l’on en accorde à tout propos font perdre le culte et la crainte de Dieu, en même temps qu’ils troublent et détruisent l’ordre du gouvernement humain. Prenez garde à n’être point trop facile dans la dispense des obligations de votre religion ni pour vous ni pour les autres. Lorsque la maladie ou quelque autre motif juste et raisonnable vous la permettra, n’usez-en qu’avec discrétion et d’après le conseil de votre confesseur, justifiant toujours votre conduite devant Dieu et devant les homes par la vertu de l’obéissance. Si parfois vous vous trouvez fatiguée, ou que vos forces soient diminuées, ne modérez point trop tôt vos austérités, car Dieu proportionnera vos forces à votre Foi. Mais n’accordez jamais aucune dispense à cause des occupations. Préférez l’essentiel à ce qui ne l’est pas, et le Créateur aux créatures. Car en qualité de supérieure, vous aurez moins d’excuses, puisque dans l’observation des lois, vous devez donner la première l’exemple ; et il faut que vous n’ayez jamais pour vous de ces ménagements humains. Seulement vous en aurez quelquefois pour vos sœurs et pour vos inférieures.

 

Sachez ma très chère fille, que j’exige de vous le bien le plus grand et le plus parfait ; c’est pourquoi cette sévérité est nécessaire, parce que l’étroite observation des préceptes est une dette que vous avez contractée à l’égard de Dieu et des hommes. Que personne ne se flatte d’avoir satisfait à ce qu’il doit au Seigneur, s’il est redevable envers son prochain auquel il doit encore le bon exemple, en évitant de lui donner aucune occasion d’un véritable scandale. »

 

 

 

 

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