L'Immaculée Conception

Publié le par lepontdusalut

« L’Immaculée Conception »

 

Le Mystère de l’Immaculée

L’Abbé Karl Stehlin dit :

Avant d’entrer dans ce monde merveilleux qu’est la Sainte Vierge, il faut bien comprendre que l’on quitte ici les chemins habituels de la pensée et des discours humains, et surtout que l’on pénètre dans un nouveau monde spirituel, qui est indiciblement saint, pur, transparent et doux. Et comme nous sommes par trop souvent couverts de souillures, et que, même dans nos pensées, nous sommes beaucoup trop prisonniers du monde grossier de la chair et des sens, nous devons avec le plus grand respect « nous rapprocher du Trône de la Grâce ». Nous devons nous éveiller aux subtilités de l’esprit, être émerveillés de ce miracle immérité : pouvoir jeter un regard sur le monde Divin.

 

St Maximilien Kolbe :

« Lorsque nous nous apprêtons à lire un écrit sur l’Immaculée, n’oublions pas que nous entrons en contact avec un être vivant, pur et exempt de toute souillure. Pensons aussi que les mots que nous lisons sont incapables d’exprimer qui elle est, car ce sont des mots humains, tirés de concepts humains, des mots qui expriment les choses d’une manière terrestre. L’Immaculée au contraire, est un être qui appartient totalement à Dieu et qui est, par conséquent, placé infiniment plus haut que tout ce qui nous entoure. Elle-même se révélera à nous à travers les phrases que nous lirons, et nous inspirera des pensées, des convictions et des sentiments que par nous-mêmes nous n’aurions pas été capables d’imaginer. Enfin, retenons bien cela : plus notre conscience sera pure, et plus souvent nous la purifierons par la pénitence, plus les idées et les conceptions que nous aurons d’elle correspondront à la réalité.

 

Et reconnaissons sincèrement que seuls, sans son aide, nous sommes incapables de rien connaitre d’elle, et que par conséquent nous sommes incapables de l’aimer, et qu’elle-même doit nous donner toujours plus de lumières sur elle-même, afin d’attirer notre cœur à elle, par l’amour. Par conséquent, n’oublions pas que tout le fruit de notre lecture dépend des prières que nous lui adressons.»

 

Il peut paraitre étonnant que Maximilien Kolbe utilise presque toujours la même expression pour parler de la Sainte Vierge, une expression qui jusque-là n’était pas habituelle. Il l’appelle tout simplement : l’Immaculée.

L’Immaculée est en fait le centre de toute sa vie spirituelle. Il écrit et parle souvent d’elle ; toute sa mission se résume dans son désir que le plus d’âmes possible la connaissent, l’aiment, se donnent à elle, et ainsi soient sauvées. Dans les dernières heures avant son arrestation, qui se termina par sa mort héroïque à Auschwitz, il résuma, comme sous l’inspiration Divine, ses connaissances sur l’Immaculée. Aucun autre discours ou écrit du saint peut-être n’atteint la profondeur de ces considérations.

 

« Immaculée Conception ! Ces mots sont sortis de la bouche même de l’Immaculée ; donc ils doivent montrer de la façon la plus précise et la plus essentielle qui elle est. Puisque les paroles humaines ne sont pas capables d’exprimer les réalités Divines, alors ces mots – immaculée, conception – doivent être compris dans un sens plus profond, incomparablement plus profond, plus beau, plus sublime que dans leur sens habituel, mieux que ne les comprend la raison humaine la plus pénétrante. Ce que dit saint Paul, après le prophète Isaïe :

« Choses que l’œil n’a point vues, que l’oreille n’a point entendues et dont l’idée n’est pas venue au cœur de l’homme » (Is 64,4), « tels sont les biens que Dieu a préparés pour ceux qui L’aiment » (I Cor 2,9), peut s’appliquer ici dans toute sa force. Cependant on peut, et même on doit scruter le mystère de l’Immaculée et l’exprimer avec des mots que forge notre intelligence avec ses moyens propres.

 

Qui –êtes-vous, Immaculée Conception ?

 

Pas Dieu, parce qu’Il n’a pas de commencement. Pas ange, créé immédiatement de rien. Pas Adam, formé de la glaise (Gen 2,7). Pas Eve, formée de la côte d’Adam (Gen 2, 21). Pas le Verbe incarné qui existe depuis tous les siècles et que l’on dit plutôt conçu que conception. Les enfants d’Eve n’existent pas avant leur conception ; on doit donc les appeler conceptions (créés). Mais vous, vous différez de tous les enfants d’Eve, car eux sont conceptions maculées par le péché originel, tandis que vous, vous êtes l’unique conception immaculée.

 

Tout ce qui est en dehors de Dieu, parce que c’est de Dieu et sous tous les rapports entièrement de Dieu, porte sur soi et en soi la ressemblance du Créateur, et il n’y a rien dans la créature qui ne possède cette ressemblance, car tout est l’effet de la Cause première. Il est vrai que les mots, qui expriment les choses créées, parlent de la perfection Divine seulement d’une manière imparfaite, limitée, analogique. Ils sont un écho plus ou moins lointain, comme toutes les créatures qu’ils expriment, des propriétés de Dieu. La conception ne fait-elle par exception ? Il n’y a jamais d’exception dans ces cas-là.

 

Le Père engendre le Fils, et l’Esprit procède du Père et du Fils. Dans ces quelques mots se trouve le mystère de la vie de la Très-Sainte Trinité et de toutes les perfections dans les créatures qui ne sont pas autre chose que des échos variés, une hymne de louange, dans des tons multicolores, de ce mystère premier et le plus beau. Nous devons utiliser notre vocabulaire habituel, parce que nous n’en avons pas d’autre, mais nous ne devons jamais oublier que ce vocabulaire est très imparfait.

 

Qui est le Père ? Quelle est sa vie personnelle ? Engendrer, car Il engendre le Fils dans les siècles des siècles, toujours.

 

Qui est le Fils ? L’Engendré, parce que, toujours et depuis les siècles, Il nait du Père.

 

Et qui est l’Esprit ? Il est le fruit de l’Amour du Père et du Fils. Le fruit de l’amour créé est une conception créée. Mais le fruit de l’Amour, prototype de cet amour créé, est nécessairement lui-même conception. L’Esprit est donc la Conception incréée  (la Personne de l’Amour ou l’Amour en Personne, total, absolu – Vincent), éternelle, le prototype de toutes les conceptions de la vie dans l’univers.

 

Le Père engendre, le Fils est l’Engendré, l’Esprit est la Conception jaillissante (d’Amour), et c’est là leur vie personnelle, par laquelle Ils se distinguent entre eux. Mais ils sont unis par la même Nature, l’Existence Divine.

 

L’Esprit est donc cette Conception très sainte, infiniment sainte, immaculée.

 

Dans l’univers, nous rencontrons partout l’action et la réaction qui est égale à l’action mais lui est contraire, le départ et le retour, l’éloignement et le rapprochement, la séparation et l’union. Et la séparation est toujours pour l’union qui est créatrice. Ce n’est rien d’autre que l’image de la très Sainte Trinité dans l’activité des créatures. L’union, c’est l’Amour, l’Amour créateur. Et l’activité Divine n’agit pas autrement à l’extérieur. Dieu créé l’univers : c’est comme si c’était la séparation. Et les créatures, selon la loi naturelle qui leur est donnée par Dieu, se perfectionnent, s’assimilent à Lui, retournent à Lui ; et les créatures intelligentes L’aiment d’une façon consciente, et par cet amour s’unissent de plus en plus à Lui, et retournent à Lui. La créature la plus totalement remplie de cet amour, remplie de la Divinité, c’est l’Immaculée, sans aucune tache de péché, qui ne s’est en rien séparée de la Volonté de Dieu ; unie au Saint-Esprit comme son Epouse, d’une façon inexprimable, mais dans un sens incomparablement plus parfait qu’on peut le dire des créatures.

 

Quelle est cette union ? Elle est avant tout intérieure, union de son essence avec l’Essence de l’Esprit-Saint. L’Esprit-Saint habite en elle, vit en elle et cela dès le premier instant de son existence, toujours et à jamais.

 

En quoi consiste cette vie de l’Esprit en elle ? Lui-même est l’Amour en elle, c’est l’Amour du Père et du Fils, Amour dont Dieu s’aime Lui-même ; Amour de toute la très Sainte Trinité, Amour fécond, Conception. Chez les créatures faites à la ressemblance de Dieu, l’union par l’amour sponsal est l’union la plus intime (cf. Mt 19, 6). D’une manière beaucoup plus précise, plus intérieure, plus essentielle, l’Esprit très Saint vit dans l’âme de l’Immaculée, dans son être ; Il la féconde, et cela dès le premier instant de son existence, durant toute sa vie, et jusque dans l’éternité.

 

Cette éternelle Immaculée Conception (le Saint-Esprit) conçoit de façon immaculée la Vie Divine dans le sein de son âme, à elle, Immaculée Conception. Et le sein virginal du corps de Marie Lui est réservé, et Il y conçoit aussi dans le temps – tout ce qui est matériel se passe dans le temps- - la vie de l’Homme-Dieu.

 

Et ainsi le retour à Dieu, c'est-à-dire la réaction égale et contraire (qui est l’Amour), suit un chemin différent de celui de la création. Le chemin de la création va du Père par le Fils et l’Esprit ; ici, il va, par l’Esprit et le Fils, au Père, c'est-à-dire que, par l’Esprit, le Fils s’incarne dans le sein de l’Immaculée et, par ce Fils, l’Amour retourne au Père.

 

Et elle, L’immaculée, insérée dans l’Amour de la très Sainte Trinité, devient, dès le premier moment de son existence et pour toujours, le « complément de la Sainte Trinité ».

 

Dans l’union du Saint-Esprit avec elle, ce n’est pas seulement l’Amour de deux êtres, mais en l’un d’eux, c’est tout l’Amour de la Sainte Trinité, et en l’autre, c’est tout l’amour de la Création. Et ainsi dans cette union se rejoignent le Ciel et la terre, tout le Ciel avec toute la terre, tout l’Amour éternel avec tout l’amour créé. C’est le sommet de l’Amour.

 

L’Immaculée à Lourdes ne se désigne pas comme conçue immaculée, mais le dit sainte Bernadette :

« La Dame se tenait alors debout sur le rosier sauvage dans la même attitude que sur la Médaille miraculeuse. La troisième fois que je lui posai la question, son visage prit une expression pleine de gravité et de profonde humilité. Elle joignit les mains comme pour prier, les leva à la hauteur de la poitrine, puis ouvrit lentement les mains, s’inclina vers moi et dit d’une voix légèrement tremblante :

« Que soy era immaculada councepciou » - « Je suis l’Immaculée Conception… »

 

Si chez les créatures l’épouse prend le nom de l’époux parce qu’elle lui appartient, ne fait qu’un avec lui, devient son égal et est avec lui principe créateur de vie, à combien à plus forte raison le Nom de l’Esprit-Saint : Conception Immaculée, est-il le nom de Celle en qui Il vit comme Amour, principe de vie dans tout l’ordre surnaturel de la Grâce. »

Ebauche, 17.02.1941.

 

Le matin du 17 février 1941, le Père Maximilien dicta cet article au frère Arnold. Le matin du même jour, à 11H50, il fut arrêté par la Gestapo et conduit à la prison polonaise de Pawiak. De là, il fut conduit, le 28 mai, au camp de concentration d’Auschwitz, où il mourut le 14 aout d’une injection de poison dans le bunker de la faim.

 

L’Immaculée, qui est si intimement liée à la Vie de la Très Sainte Trinité et à l’œuvre rédemptrice du Christ, devient le point de départ du « retour » de toute la Création vers Dieu. Et c’est là précisément le véritable fondement de la vie spirituelle. Celui qui ne le possède pas, construit sa maison sur du sable, qui ne peut résister à la tempête et à l’orage (cf. Mt 7, 24). Saint Ignace, dans ses « Exercices Spirituels » parle de ce principe et fondement ; il consiste en cette attitude de dépendance face à Dieu : l’homme est créé par Dieu, n’existe qu’en Dieu, et ne trouve le but et le sens de sa vie que dans le retour à Dieu. Ceci est exactement le thème de l’Immaculata Conceptio : elle est toute de Dieu. De toutes les créatures, c’est elle qui vit dans l’union la plus intime avec la Très Sainte Trinité, immaculée dès le premier instant de son existence. Elle est aussi la première et la plus parfaite des créatures, et elle retourne toute à Dieu dans la plénitude de l’Amour. Plus encore, elle est aussi le moule et le canal du retour à Dieu de toutes les créatures. C’est en elle que toute la Création retourne à Lui.

 

Tentons d’éclaircir un peu ce grand mystère. Les Pères de l’Eglise comparent souvent Marie à une haute montagne, la montagne de Sion, sur laquelle Dieu descend. Dieu créa l’univers, le monde invisible des anges et l’univers visible – comparons toutes les créatures à un tas de cailloux. Et Dieu créa Marie toute pure et la choisit pour la sublime mission d’être la Mère de Dieu. Elle est la montagne au pied de laquelle se trouvent les cailloux. Dieu créa cette montagne très pure, immaculée, et Il descend sur le sommet de cette montagne et, dans le sein de cette montagne, Dieu se fait homme. Or au pied de la montagne se trouve le monde perdu des innombrables pécheurs, grains de sables souillés. Dieu fait homme veut nous sauver, mais nous détournons nos visages ; Il veut se revêtir de nos péchés et nous laver dans son sang, mais nos portes sont fermées. Comment, dans ce cas, la créature peut-elle retourner à Dieu, construire sa vie sur le véritable fondement ?

 

Mais voici que la montagne sainte se penche sur notre misère, nous relève comme une mère le fait pour son enfant qui vient de tomber. Doucement, elle tourne nos visages récalcitrants, afin que notre regard rencontre le sien ; puis, doucement et silencieusement, elle enlève les ordures avec lesquelles nous avons obstrué les portes de nos âmes, et elle les ouvre. Elle a le droit d’agir ainsi parce que Dieu le veut et que Dieu l’a créée ainsi. L’Immaculée Conception est l’atmosphère dans laquelle l’homme, qui étouffait dans l’air vicié du monde, peut à nouveau respirer. Maintenant enfin, l’Homme-Dieu peut se mettre à l’œuvre, et nous, nous pouvons, toujours exclusivement en elle, reconstruire notre vie sur le fondement de la Vérité. Oui, nous sommes dès lors vraiment unis à elle comme l’enfant à sa mère, comme le caillou est uni à la haute montagne, créés par Dieu, en Dieu et pour Dieu.

Et ce miracle ne s’opère pas seulement au début de notre vie chrétienne. Son Immaculée Conception est toujours le point de départ de notre purification.

 

« A Lourdes, la Vierge immaculée répondit à Bernadette :

« Je suis l’Immaculée Conception ».

Par ces mots elle exprimait clairement qu’elle n’a pas seulement été conçue immaculée, mais qu’elle est l’Immaculée Conception. De même, un objet blanc est autre chose que la blancheur même, un objet parfait est autre chose que la perfection même. Parlant de Lui-même, dieu dit à Moïse :

« Je suis Celui qui suis » : il appartient à mon Essence que Je tienne mon existence de Moi-même, sans commencement.

En revanche, la Vierge immaculée a son commencement en Dieu, elle est une créature, elle est conception. Malgré cela, elle est Immaculée Conception. »

 

En d’autres termes, la Sainte Vierge n’est pas seulement elle-même immaculée, mais elle nous transmet son caractère « immaculé », c'est-à-dire sa pureté. Dans la mesure où elle prend possession de notre être, et que nous lui appartenons, elle nous transforme, si bien que nous lui ressemblons de plus en plus. Saint Louis-Marie Grignon de Montfort prend l’image de la pomme :

 

« C’est comme si un paysan, voulant gagner l’amitié et la bienveillance du roi, allait à la reine et lui présentait une pomme, qui est tout son revenu, afin qu’elle la présentât au roi. La reine, ayant accepté le pauvre petit présent du paysan, mettrait cette pomme au milieu d’un grand et beau plat d’or, et la présenterait ainsi au roi, de la part du paysan. Pour lors la pomme, quoique indigne en elle-même d’être présentée au roi, deviendrait un présent digne de sa majesté, eu égard au plat d’or où elle est et à la personne qui la présente. »

 

On pourrait même pousser plus loin la comparaison et imaginer que le paysan fasse cadeau d’une pomme pourrie. L’Immaculée poserait alors cette pomme sur l’assiette en or au milieu de ses propres fruits merveilleux. Et comme elle a la Grâce d’être l’Immaculée Conception, elle transmet sa pureté au fruit gâté, et voici qu’à son contact, transformé par elle, la pomme devient fraiche, pure et saine.

 

« Tous nos pauvres actes d’amour s’adressent en fin de compte au Père éternel comme à leur terme ultime, mais dans l’Immaculée ils reçoivent une pureté sans tache, et dans le Fils une valeur sans limite, dignes de la très Sainte Majesté du Père. En considérant ces choses, l’âme s’enflammera bien plus vite d’amour pour Marie et Jésus. L’âme donc, offre ses actes d’amour à l’Immaculée, mais non pas comme on donne un objet à un simple intermédiaire, mais pour qu’ils soient sa propriété, entièrement sa propriété. Ainsi, l’Immaculée donnera ces actes à Jésus comme les siens propres, immaculés, sans tache, et Lui-même les donnera au Père. Et c’est ainsi que l’âme est de plus en plus unie à l’Immaculée, tout comme l’Immaculée est entièrement unie à Jésus, et Jésus au Père. »

 

Extrait de l’ouvrage « l’Immaculée, notre idéal », p 96-104

Par l’Abbé Karl Stehlin (FSSPX).

L’Esprit de la Milice de l’Immaculée d’après le Père Maximilien Kolbe.

Edition Te Deum

 

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