Petite enfance de la Vierge Marie - Présentation au Temple

Publié le par lepontdusalut

LA Petite enfance de la vierge marie – PRESENTATION AU TEMPLE

 

 

Marie d’Agréda dit :

 

Parmi les figures qui représentaient la très-auguste Marie dans la loi écrite, il n’y en a aucune par laquelle elle ait été plus clairement désignée que par l’Arche du Testament, tant à raison de la matière dont elle était construite, qu’à raison de ce qu’elle renfermait ; et encore, tant pour l’usage que le peuple de Dieu en faisait, que pour les prodiges que le Seigneur opérait par et avec cette Arche dans l’ancienne synagogue. Car tout cela était le fidèle emblème de cette grande Reine, et de ce que le Seigneur devait opérer par elle dans la nouvelle Eglise de l’Evangile. La matière du cèdre incorruptible (Exode, XXV, 10), qui servit à bâtir cette Arche, par une disposition particulière de la Sagesse Divine, et non par un effet du hasard, représente très clairement notre arche mystique Marie, exempte de la corruption et du péché actuel, du ver caché du péché originel, de ses aiguillons et des désordres qui en sont inséparables. L’or très fin et très pur qui la revêtait au-dedans et au dehors (Exode, XXV, 11) signifie évidemment les degrés les plus parfaits et les plus éminents de la Grâce et des Dons Divins, qui éclataient dans les pensées, dans les œuvres, dans les manières, dans les habitudes et dans les puissances de notre auguste Reine, sans qu’on pût découvrir ni dans l’intérieur ni à l’extérieur de cette Arche merveilleuse, en quelque moment que ce fût, aucun endroit où elle ne parût remplie et revêtue d’une grâce extraordinaire.

 

Les tables de pierre de la loi, l’urne de la manne et la verge des prodiges (Hebr., IX, 4) que cette ancienne arche contenait, signifiaient aussi clairement que possible le Verbe incarné et renfermé dans cette Arche animée, la très-sainte Vierge. En effet, son Fils unique était la pierre vive et fondamentale de l’édifice de l’Eglise évangélique (I Cor., III, 11), la pierre angulaire (Ephes., II, 20) qui unit les deux peuples si opposés, les Juifs et les Gentils, et qui avait été détachée de la montagne de la génération éternelle (Daniel, II, 34), pour être déposée dans l’Arche Virginale, l’auguste Marie, après que le Doigt de Dieu y eut écrit la nouvelle Loi de Grâce, afin qu’on vit que cette grande Reine était la dépositaire de tout ce qu’est le Très-Haut et de tout ce qu’Il opère dans les créatures. Elle renfermait aussi la manne de la Divinité et de la Grâce, le principe et la verge des Prodiges, parce que la Source des Grâces, qui est l’Etre de Dieu, devait se trouver toute entière dans cette Arche divine et mystique, que les grâces devaient en rejaillir jusqu’aux autres mortels ; que par elle et en elle le Bras du Tout-Puissant allait opérer ses Merveilles, et qu’il fallait qu’on sût que tout ce que ce Seigneur veut, ce qu’Il est et ce qu’Il opère, est renfermé et mis en dépôt en notre auguste Vierge.

 

Il s’ensuite que l’Arche du Testament devait servir de base (non par la figure, mais par la réalité qu’elle annonçait) au propitiatoire (Exode, XXVI, 34), dans lequel le Seigneur tenait le Tribunal de ses Miséricordes, pour écouter son peuple, pour lui répondre, pour exaucer ses prières et lui accorder des faveurs. En effet, Dieu ne s’est servi d’aucune autre créature que de la bienheureuse Marie pour y établir un trône de Grâce, et ne pouvait manquer de faire un propitiatoire de cette mystique et véritable Arche, puisqu’Il ne l’avait construite que pour s’y renfermer. Ainsi il semble que Dieu tint en Lui-même le Tribunal de la Miséricorde en Marie, afin que nous ayons recours à elle avec une pleine confiance comme à un trône de grâce, que nous lui présentions nos requêtes, que nous lui demandions les faveurs, les grâces et les miséricordes qui ne sont communiquées au genre humain que dans le propitiatoire que renferme l’auguste Reine Marie.

 

Un Arche si mystérieuse, consacrée et construite par la Main du Seigneur pour sa propre demeure et pour servir de propitiatoire) à son peuple, n’aurait pas été bien placée hors de son Temple, où l’on gardait l’autre arche matérielle qui était la figure de cette Arche véritable et spirituelle du Nouveau Testament. C’est pourquoi l’Auteur de cette merveille ordonna que la très-pure Marie fût consacrée dans son Temple, lorsqu’elle eut achevé ses trois premières années depuis sa très heureuse naissance. Je suis pourtant fort surprise d’une différence notable que je trouve en ce qui arriva à cette première arche , qui n’était qu’une figure, et ce qui arrive à la seconde, qui est la véritable. Car lorsque le roi David transporta en divers endroits, et qu’après lui son fils Salomon eut placé dans le Temple, comme son propre siège, cette arche qui n’avait d’autre excellence que de représenter notre auguste Reine et ses mystères, ces translations se firent avec la plus grande pompe et au milieu des transports de joie universelle du peuple, comme nous l’attestent d’abord les processions solennelles qu’ordonna David pour la transporter de la maison d’Aminadab en celle d’Obededom, et de celui-ci au tabernacle de Sion, sa propre ville ; puis les fêtes que Salomon célébra en la transportant de la ville de Sion au nouveau Temple, qu’il éleva par le commandement du Seigneur, pour en faire une maison de Dieu et de prières.

 

Ces translations de l’ancienne arche du Testament se firent au milieu des marques de la vénération publique et de la vive allégresse des princes et du peuple entier d’Israël, avec un culte très solennel, accompagné de musique, de danses, de sacrifices, ainsi que l’histoire sacrée le raconte aux second et troisième livres des Rois, et aux premier et second des Paralipomènes. Mais bien que notre Arche mystique et véritable, la très pure Marie, fût la plus riche, la plus excellente et la plus digne de vénération d’entre toutes les créatures, elle ne fut pas conduite au Temple avec la même solennité ; il n’y eut point dans cette mystérieuse translation de sacrifices d’animaux, et on n’y découvrit aucun pompe royale. Au contraire, elle fut transportée de la maison de son père Joachim entre les bras de sa mère Anne, qui, quoiqu’elle ne fût pas de la classe des pauvres, se chargea elle-même, dans cette occasion, de sa fille bien-aimée, d’une manière humble, sans suite et sans ostentation extérieure, pour la présenter et la consacrer au Temple. Le Très-Haut voulut que toute la gloire et toute la pompe de cette solennité fussent invisibles et divines, parce que les mystères de notre auguste Reine furent si secrets et si sublimes, qu’il y en a encore plusieurs qui n’ont pas été révélés, et cela par les impénétrables Jugements du Seigneur, qui fixe à toutes les choses, et à chacune en particulier, son temps et son heure.

 

Tandis que j’admirais cette merveille en la Présence du Seigneur, dont je louais et adorais les Jugements, Il daigna me dire :

« Sachez, ma fille, que si J’ai ordonné que l’arche du vieux Testament fût honorée avec tant de solennité, ce fut parce qu’elle était une figure fort juste de la future Mère du Verbe incarné. Celle-là était une arche insensible et matérielle ; on pouvait donc l’honorer avec cette magnificence sans aucun danger. Mais je ne permis point que cette même vénération fût rendue à l’Arche véritable et vivante, tant qu’elle résida dans une chair mortelle, pour vous apprendre, à vous et aux autres, par cet exemple, ce que vous ne devez pas ignorer pendant que vous êtes voyageurs. C’est que je ne veux point placer mes élus, que j’ai acceptés et désignés pour m’en souvenir éternellement, dans des occasions où de trop grands honneurs et les applaudissements excessifs des hommes pourraient, dès cette vie mortelle, leur tenir lieu de récompense des peines qu’il y souffrent pour ma Gloire et pour mon Service. Il ne faut par non plus qu’ils soient exposés au danger de partager l’amour qu’ils doivent à Celui qui les justifie et qui les rend saints, avec ceux qui reconnaissent et publient leur sainteté. Le Créateur seul, qui les a faits, les conserve, les éclaire et les protège ; ils doivent aussi n’avoir qu’un amour et qu’une pensée, sans en rien distraire, fût-ce pour reconnaître les honneurs qu’on leur rend par un pieux zèle. L’Amour Divin est délicat, mais la volonté humaine est extrêmement fragile et bornée ; si on la partage, ce qu’elle produit est fort insignifiant et fort imparfait, et elle s’expose à tout perdre en un instant. C’est pourquoi, voulant faire un modèle de Celle qui par ma protection avait une sainteté inébranlable, je ne voulus point qu’elle fût connue ni honorée pendant sa vie, ni qu’elle fût conduite au Temple avec des solennités extérieures.

 

D’ailleurs, j’ai envoyé mon Fils unique du Ciel, et j’ai créé celle qui devait être sa Mère, afin qu’ils retirassent le monde de son erreur et désabusassent les mortels. Or, c’était une loi très inique et seulement établie par le péché, que le pauvre fût méprisé et le riche estimé ; que l’humble fût abaissé, et l’orgueilleux exalté ; que l’homme de bien fût blâmé, et le pécheur loué ; que l’homme pacifique et débonnaire passât pour insensé, et l’arrogant pour généreux ; que la pauvreté fût vouée à la honte et aux rebuts, et que les richesses, les pompes, les honneurs et les plaisirs périssables fussent recherchés des hommes charnels. Le Verbe incarné et sa Mère sont venus condamner toutes ces choses comme trompeuses et mensongères, afin que les mortels connussent le danger horrible auquel ils s’exposent en les aimant, et en s’abandonnant si aveuglément à ces perfides ennemis de leur Salut ; car, séduits par l’amour désordonné qu’ils portent aux vanités de la terre, ils semblent ne chercher qu’à fuir l’humilité, la douceur et la pauvreté, et repoussent tout ce qui pourrait combattre leurs passions, tout ce qui a quelque apparence de véritable vertu et de pénitence sincère, et qui pourrait satisfaire à ma Justice par l’acceptation que J’en ferais. Et cependant c’est ce qui est saint, honnête et juste qui doit être récompensé d’une gloire éternelle, comme le contraire doit être puni de supplices sans fin.

 

Les yeux charnels des mondains n’aperçoivent pas ces vérités, et ne veulent point se servir de la lumière qui les leur découvrirait. Quant à vous, ma fille, apprenez-les et gravez-les dans votre cœur par l’exemple du Verbe incarné et de sa divine Mère, qui l’imita en toutes choses. Elle était sainte, et la première après Jésus-Christ dans mon Estime et dans ma Complaisance : c’est pourquoi toutes les vénérations et tous les hommages des hommes lui étaient dus, avec d’autant plus de raison qu’ils ne pouvaient même pas lui rendre ceux qu’elle méritait ; mais Je voulus qu’elle ne fût point honorée ni connue alors, afin de mieux l’affermir dans la vertu la plus parfaite, la plus précieuse et la plus sûre, et que mes élus devaient imiter et apprendre de cette Maitresse de la vérité ; c'est-à-dire dans la pratique de l’humilité, du silence et de la retraire, dans le mépris des vanités mensongères et dangereuses du monde, dans l’amour des peines, des tribulations, des injures, des afflictions et des rebuts des créatures. Or, comme toutes ces choses ne pouvaient pas compatir avec les applaudissements, les honneurs et l’estime des mondains, J’ordonnai que la très-pure Marie ne les recevrait point. Je ne veux pas non plus que mes amis les reçoivent, ni qu’ils en fassent le moindre cas. Quand parfois, je les fais briller aux yeux du monde pour ma Gloire, ce n’est pas qu’ils le souhaitent, mais ils s’y prêtent avec humilité sans sortir de leur centre, et se soumettent aux dispositions de ma Volonté. D’eux-mêmes ils ne désirent ni n’aiment que ce que le monde méprise, et que ce que le Verbe incarné et sa très-sainte Mère ont pratiqué et enseigné. »

Voilà ce que le Seigneur me fit entendre dans l’admiration que me causait cette différence ; et comment je fus satisfaite et instruite sur ce que je devais et désirais exécuter.

 

Les trois ans que le Seigneur avait déterminés étant révolus, Joachim et Anne, accompagnés de quelques-uns de leurs parents, partirent de Nazareth portant avec eux la véritable Arche du Testament, la très-pure Marie, pour la consacrer dans le saint Temple de Jérusalem. La douce et ravissante enfant courait par ses ferventes affections après l’odeur des Parfums de son Bien-Aimé (Cant., I, 3), pour aller chercher dans le Temple Celui qu’elle portait dans son cœur. L’humble cortège marchait sans être suivi d’un grand nombre de créatures terrestres, sans aucune magnificence extérieure, mais non pas sans une belle légion d’esprits angéliques qui étaient descendus du Ciel, et s’étaient joints à l’escorte de leur jeune Reine, pour solenniser cette fête en y chantant avec une harmonie céleste de nouveaux cantiques de gloire et de louange au Très-Haut. La Souveraine du Ciel, dont chaque pas était si beau, tandis qu’elle allait à la rencontre du suprême et véritable Salomon, les entendait et les voyait tous ; et c’est ainsi que la sainte compagnie franchit la distance de Nazareth à la sainte cité de Jérusalem, pendant que les parents de notre auguste et jeune Marie ressentaient une grande consolation spirituelle.

 

Ils arrivèrent enfin au saint Temple, et avant d’y entrer, Anne et Joachim prirent leur fille et leur maitresse par la main et la conduisirent dans l’intérieur. Puis, après qu’ils eurent fait tous trois une dévote et fervente prière au Seigneur, le père et la mère Lui offrirent leur fille, tandis que celle-ci s’offrait elle-même avec une humble adoration et un profond respect. Elle seule connut l’agréable acceptation que le Très-Haut faisait d’elle ; et elle entendit sortir des Divines clartés qui remplissaient le Temple une Voix qui lui disait :

Venez mon Epouse et mon Elue ; venez dans mon Temple, où Je veux que vous m’offriez un sacrifice de louange et de bénédiction. »

Leur prière étant achevée, les saints époux allèrent trouver le prêtre, auquel ils présentèrent leur fille Marie ; et quand le prêtre lui eut donné sa bénédiction, ils la menèrent avec lui dans l’appartement des vierges, qui y étaient élevées dans une sainte retraire et en de pieuses occupations, jusqu’à l’âge où elles pouvaient se marier. Les aînées de la tribu royale de Juda et de la tribu sacerdotale de Lévi avaient les premières places dans cet appartement.

 

L’escalier qui y conduisait avait quinze degrés, et se trouva occupé par d’autres prêtres qui venaient recevoir notre jeune Reine. Celui qui la guidait, et qui devait appartenir à la dernière hiérarchie des prêtres, la plaça sur le premier degré. Elle lui demanda alors la permission de prendre congé de ses parents ; et l’ayant obtenue, elle se tourna vers saint Joachim et sainte Anne, se mit à genoux, leur demanda leur bénédiction, leur baisa les mains et les pria de la recommander à Dieu. Les saints époux la bénirent avec beaucoup de tendresse et de larmes ; et ensuite Marie monta toute seule les quinze degrés avec une ferveur et une joie incroyables, sans tourner la tête, sans verser une larme, sans faire la moindre action puérile, et sans même témoigner aucun regret de la séparation de ses parents. Au contraire, elle excita l’admiration de tous les assistants par la douce fermeté qu’elle montra en un âge si tendre. Les prêtres la reçurent et l’introduisirent dans l’appartement des autres vierges ; et ce fut le pontife Siméon qui la remit et la recommanda aux femmes qui les soignaient, et parmi lesquels se trouvait Anne la prophétesse. Cette sainte matrone avait été prévenue par une grâce spéciale et par une lumière extraordinaire du Très-Haut, pour qu’elle se chargeât de la fille de Joachim et d’Anne. Elle le fit suivant les desseins de la Divine Providence avec beaucoup de zèle, ayant mérité par sa sainteté et par ses vertus d’avoir pour disciple Celle qui devait être la Mère de Dieu et la Maitresse de toutes les créatures.

 

Saint Joachim et sainte Anne s’en retournèrent à Nazareth bien plus pauvres qu’ils n’étaient venus, et profondément affligés d’avoir perdu le riche trésor de leur maison ; mais le Seigneur suppléa à son absence en les favorisant et en les consolant dans toutes les occasions. Quoique le saint prêtre Siméon ne connût pas encore le mystère que la jeune Marie renfermait, il fut néanmoins rempli d’une grande lumière par laquelle il découvrit sa sainteté et la prédilection dont le Seigneur l’honorait. Les autres prêtres en conçurent aussi de très hauts sentiments d’estime et de respect. Ce que Jacob avait vu en sa mystérieuse échelle (Genèse, XXVIII, 12) fut accompli en cet escalier que gravit la bienheureuse Vierge. Là se trouvaient des anges qui montaient et descendaient réellement, les uns pour accompagner leur Reine, et les autres pour venir au-devant d’elle. Dieu l’attendait au sommet afin de la recevoir et de la reconnaitre pour sa Fille et pour son Epouse ; et elle ressentait par les effets de son Amour que ce lieu était véritablement la Maison de Dieu et la Porte du Ciel.

 

A peine la jeune Marie fut-elle remise à sa maitresse, qu’elle lui demanda à genoux et avec une profonde humilité sa bénédiction, et la pria de la prendre sous sa sage conduite, et de supporter patiemment ses imperfections. Anne, sa maîtresse, l’accueillit avec de grandes marques d’affection, et lui dit : « Ma fille, vous trouverez en moi une mère et une protectrice, et je vous promets de donner tous les soins possibles à votre personne et à votre éducation ». Marie alla ensuite offrir avec la même humilité ses services à toutes les vierges qui se trouvaient dans cette clôture, les salua et les embrassa chacune en particulier, les priant, comme les plus anciennes et les plus capables, de lui enseigner et de lui prescrire ce qu’elle aurait à faire. Et enfin, elle les remercia de l’avoir admise en leur compagnie, tout indigne qu’elle s’en reconnaissait.

 

 

Instruction de la Reine du Ciel

 

« Ma fille, le plus grand bonheur qui puisse échoir à une âme en cette vie mortelle, c’est que le Très-Haut l’appelle dans sa Maison et la consacre entièrement à son Service ; en effet, Il la délivre par cette faveur d’une dangereuse servitude, et l’exempte des honteux engagements du monde, où elle mange son pain à la sueur de son front, sans y jouir jamais d’une parfaite liberté. Où est l’insensé et l’aveugle qui ignore le péril de la vie mondaine, chargée de tant de lois et de tant de coutumes contraires à la raison, que les démons et les impies y ont introduites ? Le meilleur parti est la religion et la retraite ; c’est là que se trouve le port assuré ; partout ailleurs il n’y a que des flots et des tempêtes, des afflictions et des désastres. Si les hommes ne comprennent point cette vérité et n’apprécient point cette faveur, ils sont dans une étrange dureté de cœur et dans un oubli déplorable d’eux-mêmes. Pour vous, ma fille, ne fermez par l’oreille à la Voix du Très-Haut ; rendez-vous y attentive, faites ce qu’Elle vous dictera, et suivez fidèlement ses conseils ; car je vous avertis qu’un des plus grands efforts du démon, est d’empêcher l’effet de la vocation du Seigneur, lorsqu’il appelle et destine les âmes à son Service.

 

Ce seul acte public et sacré par lequel on reçoit l’habit et l’on entre en religion, quand même on n’y apporterait par toujours la ferveur et toute la pureté d’intention convenables, met le serpent infernal et ses compagnons dans une colère et dans une fureur horribles, tant par haine de la Gloire du Seigneur et de la joie des anges, que parce que cet ennemi mortel sait que la religion sanctifie et perfectionne l’homme. Il arrive même souvent que, bien qu’elle ait été embrassée par des motifs humains et terrestres, la Grâce Divine y opère de telle sorte qu’elle conduit toutes choses à une sainte fin. Que si Elle a ce pouvoir lorsque les premières démarches n’ont pas été inspirées par cette intention droite qui devait y présider, la Lumière et la Vertu du Seigneur seront bien plus puissantes et efficaces, et la vie religieuse bien plus salutaire, quand une âme y entrera par l’impulsion de l’Amour Divin et par un désir intérieur et sincère d’y trouver Dieu, de Le servir et de L’aimer.

 

Or, pour que le Très-Haut réforme ou perfectionne celui qui entre en la religion pour quelque motif que ce soit, il faut qu’en tournant le dos au monde il ne le regarde plus ; qu’il efface de sa mémoire toutes ces images trompeuses, et qu’il oublie entièrement ce qu’il s’est senti si heureux et si fier de quitter. Ceux qui ne profitent point de cet avis, et qui sont ingrats et infidèles à Dieu, ne sauraient sans nul doute échapper au châtiment de la femme de Loth (Genèse, XIX, 26) ; et, si par la Divine Miséricorde, ce châtiment ne frappe pas toujours l’œil extérieur, ils ne le subissent pas moins dans leur intérieur, en y demeurant glacés, secs, sans aucune ferveur ni énergie. Cet abandon de la Grâce les empêche de parvenir à la fin de leur vocation, et de faire aucun progrès dans la religion ; ils n’y goûtent aucune consolation spirituelle, parce qu’ils ne méritent point que le Seigneur les regarde et les visite comme des enfants, mais au contraire qu’Il les abandonne et les rejette comme des esclaves infidèles et fugitifs. Rappelez-vous, Marie, que tout ce qui tient au monde doit être mort et crucifié en vous, et que vous devez y mourir vous-même, sans qu’il vous reste le moindre souvenir ni la moindre affection d’aucune chose terrestre. Que si vous êtes quelquefois obligée d’exercer la charité envers votre prochain, vous devez songer avant tout à assurer la bien de votre âme, à conserver la paix et la tranquillité de votre intérieur. Si vous voulez rester ma disciple, je vous recommande et vous ordonne dans ces circonstances une circonspection, qui alors n’est point blâmable. »

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